6/5/24
13:00 - 16:00 HNE

Séances parallèles II - Axe Théorie et critique

Local : CSL-3645

« Et si aujourd’hui j’avais le pouvoir d’un fleuve de mots » : imaginaires et influences du fleuve Saint-Laurent et de l’eau dans les dramaturgies québécoises

Modération : Lorie Ganley (U. d’Ottawa) et Pierre-Olivier Gaumond (UQAM)

Pierre-Olivier Gaumond (UQAM), Lorie Ganley (U. d’Ottawa), Enzo Giacomazzi (UQAM) et Nicole Nolette (U. de Waterloo)
Introduction de l’axe et premiers éléments réflexifs

Geneviève Dupéré (artiste-chercheure)
écH2Osystème : du fleuve à la scène

Catherine Cyr (UQAM)
Mise en mots, en corps, en flots

Jeanne Murray-Tanguay (UQAM)
« Nous sommes 8000 œufs » : Les saumons de la Mitis, multiplier les rencontres

Guy-Philippe Côté (artiste)
L’hantologie scénique du fleuve St-Laurent dans Les chemins qui marchent du Nouveau Théâtre Expérimental

Atelier-discussion collectif

 

 

Détails et descriptif de l'événement

Axe Théorie et critique

« Et si aujourd’hui j’avais le pouvoir d’un fleuve de mots » : imaginaires et influences du fleuve Saint-Laurent et de l’eau dans les dramaturgies québécoises

Geneviève Dupéré 

écH2osystème : du fleuve à la scène 

Est-ce que par les arts du cirque, il serait possible d’explorer l’écosystème du Saint-Laurent et de transposer sur scène la profondeur de ce qui nous y relie? 

Le Saint-Laurent est un écosystème immense, omniprésent dans nos vies comme dans nos sociétés. « Ces écosystèmes que nous portons tous en nous se nourrissent de toutes les expériences de notre vie. » (Dansereau, 2013, p.36) Comment faire ressentir – et non seulement comprendre – les interactions entre les altérations des écosystèmes et les conditions de vie humaine ? (Juanals, 2019, p.139) Comme l’écrit l’anthropologue Philippe Descola, il faut imaginer des façons de raconter les écosystèmes, en ne départageant pas l’humain du non-humain. (Descola, 2015, p.22) écH2osystème s’inscrit dans ces réflexions où les « démarches de recherche création visent à instruire des modalités d’exploration des relations sensibles à l’environnement. » (Blanc, 2019, p.53).  

Évoluant depuis 2017 au gré des vents et des marées, écH2osystème est une recherche-création acrobatique maritime sur le Saint-Laurent. Ce projet prend sa source de la vitalité de cet écosystème et des échos de plus de 300 collaborateurs et collaboratrices des sciences marines et des eaux douces, des pêcheries et de l’industrie maritime et portuaire. En traversant du fleuve au golfe, des parcelles de connaissances, de savoirs scientifiques, de savoirs pratiques, de vécu et de mémoires s’amoncellent. En interreliant ces parcelles de manière cocréative, écH2osystème tend le fil d’un récit où la complexité de cet écosystème dont nous faisons partie, traverse du fleuve à la scène et de la scène au spectateur. 

Bio : Depuis 2017, Geneviève Dupéré explore le Saint-Laurent. Elle est conceptrice du projet écH2osystème, chercheure au CRITAC, professeure à l’École nationale de théâtre, chargée de cours à la maîtrise en environnement et développement durable à l’Université de Montréal et titulaire d'un doctorat en recherche-création, à la croisée des arts et des sciences. Avec ces statuts, elle traverse du fleuve à la scène et crée un modèle de recherche-création socio-écologique  (écH2osystémique) figurant la complexité des écosystèmes et des questions environnementales. Ses travaux sur la maritimité remontent à 2015, où elle est directrice du contenu historique et maritime du projet phare du 375e anniversaire de Montréal, Avudo. (2017,Cie Finzi Pasca). En amont, elle parcourt le monde durant 20 années tant sur des spectacles d’envergure tels que Luzia (2016, Cirque du Soleil), deux cérémonies olympiques et paralympiques (2014, Cie Finzi Pasca), Unikkaaqtuat (7 Doigts, 2020), que sur des créations allant du cirque à l’opéra. 

Catherine Cyr

Mise en mots, en corps, en flots 

« Comment donner une voix au fleuve? » Cette question, posée par l’autrice Annick Lefebvre, a irrigué l’écriture de la pièce Les filles du St-Laurent où la parole est distribuée entre neuf êtres humains et un cours d’eau. Dans A Letter from the Ocean, création théâtrale vidéographique de Caridad Svich, des mots, portés par une voix féminine, sont attribués à la mer et lancés à une humanité déjà disparue; ils déferlent, se mêlent au paysage sonore, dialoguent avec les images fugaces qui ondoient sur l’écran. Alors que des œuvres théâtrales de plus en plus nombreuses s’attachent à « désanthropologiser le plateau », non en évinçant l’humain mais en entretissant avec l’autre-qu’humain – présences animales, végétales, minérales, élémentaires – de nouvelles modalités de co-présence (Garcin-Marrou, 2019; Sermon, 2021), la question de la parole, de ses possibilités et de ses limites, chaque fois se pose. Si, depuis quelques années, des écrits produits dans le champ des humanités environnementales, notamment en philosophie et en éthologie, ont accusé un « tournant expressif » et ont ménagé au sein de leur dispositif discursif une place pour les pensées, les paroles, voire les graphies d’un oiseau, d’un poulpe, d’un iceberg (tout en reconnaissant la dimension projective du procédé), l’écriture théâtrale se heurte à d’autres défis. La parole scénique, du fait de sa dimension incarnée – elle est portée par un corps et par une voix –, rencontre en effet une aporie : elle cherche à éviter la « ventriloquie » (Garcin-Marrou, 2019) mais ne peut qu’accueillir dans le creuset de son langage propre, et dans le corps des interprètes, la subjectivité (supposée) de l’autre. Dès lors, prises au filet de cette contradiction, nombre de pièces déploient diverses stratégies pour « [p]ermettre au monde non humain de "trouver sa voix", du moins de la rendre audible, [tout] en lui prêtant la nôtre » (Sermon, 2021 : 131).

Dans cette communication, à travers une perspective écopoétique, ce sont ces stratégies formelles, telles qu’elles se manifestent dans Les filles du St-Laurent et A Letter from the Ocean, qui seront appréhendées. Les dispositifs textuels (rythme, poétiques d’énonciation) et, surtout, scéniques (travail vocal, jeu) seront pris en compte afin d’éclairer les enjeux éthiques, esthétiques et politiques de la mise en mots et en corps du fleuve et de l’océan dans ces pièces. 

Bio : Professeure au Département d’études littéraires de l’UQAM où elle enseigne la dramaturgie contemporaine, Catherine Cyr est l’autrice de plusieurs articles et essais sur le théâtre parus dans divers ouvrages et revues. Elle codirige avec Louise Frappier la revue savante Percées – Explorations en arts vivants. 

Ses recherches actuelles portent sur les perspectives écopoétiques et écoféministes dans le champ des arts vivants. Depuis 2020, elle mène le projet de recherche « Approches écopoétiques des dramaturgies contemporaines » (UQAM, CEAD). Elle codirige aussi, avec Véronique Basile Hébert, le groupe de travail interdisciplinaire « Arts vivants et écologie au Québec » (SQET) et contribue au projet de recherche intersectoriel « Réécrire la forêt boréale : pratiques collaboratives et spéculatives entre littéraires et écologistes » (UQAM, UQAT, CRSH). Elle est directrice adjointe de Figura : centre de recherche sur les théories et pratiques de l’imaginaire. 

Jeanne Murray Tanguay

« Nous sommes 8000 œufs » : Les saumons de la Mitis, multiplier les rencontres

Cette communication sera l’occasion d’étudier Les saumons de la Mitis (2023) de Christine Beaulieu (texte) et Caroline Lavergne (dessins). Cet « album-théâtre » (Bernanoce, 2019) prolonge, par le biais d’illustrations, la performance éponyme de 2022, où Beaulieu amenait les spectateur·trices à se mettre dans la peau du saumon, menacé par des barrages hydroélectriques. La version papier instaure une coprésence similaire entre les êtres humains et plus-qu’humains. J’examinerai ma propre réception de l’album-théâtre (Frassetti-Pecques, 2015) en observant comment il m’amène à renouveler mes politiques attentionnelles à l’égard du plus-qu’humain (Morizot, 2020). L’exposé relèvera de la pratique analytique créative (Richardson, 2000) : des fragments autofictionnels, à travers lesquels je revisiterai des souvenirs qui me rattachent au saumon, entreront en résonance avec l’analyse dans l’objectif d’inviter les participant·es à réfléchir aux relations qu’il·elles entretiennent avec le poisson.

Bio : Jeanne Murray-Tanguay est doctorante en études littéraires à l’Université du Québec à Montréal. Ses recherches, dirigées par la professeure Catherine Cyr, portent sur les dramaturgies québécoises documentaires et s’inscrivent au croisement de la poétique du drame et des théories de la lecture théâtrale. Un chapitre de sa thèse est consacré à la réception des écritures post-anthropocentrées. Elle a participé au groupe de recherche Approches écopoétiques des dramaturgies québécoises contemporaines, chapeauté par Catherine Cyr, de 2020 à 2022. Elle agit à titre de secrétaire de rédaction de la revue Percées, de responsable des communications de la SQET, de coordonnatrice du projet de bénévolat Un livre à la fois (UQAM; Gricole) et d’assistante de recherche pour la rédaction du chapitre consacré au théâtre dans le prochain tome de La vie littéraire au Québec. 

Guy-Philippe Côté

L’hantologie scénique du fleuve Saint-Laurent dans Les chemins qui marchent du Nouveau Théâtre expérimental.

En 1993, Derrida développe la notion d’hantologie dans « Le spectre de Marx ». Il soutient l’idée que la première phrase du « Manifeste du parti communiste » de Marx/Engel, « Un spectre hante l’Europe : le spectre du communisme » reflète l’existence d’une trace du passé dans le présent, tel un fantôme qui tourmente les vivants. Il souligne dans cet exemple précis que même la chute de l’Union soviétique en 1991 n’a pas pu tuer la cicatrice indélébile qu’a laissée le communisme dans la psyché occidentale. Depuis, le concept a été utilisé dans de nombreuses œuvres artistiques, notamment en musique (William Basinski, The Caretaker, Board of Canada etc.) Lorsqu’on examine ce concept donc sur les arts scéniques, l’imaginaire de l’eau semble fonctionner comme un spectre de la mémoire du Canada français. Il sera question dans le cadre de cette communication d’aborder la notion du fleuve Saint-Laurent en tant que spectre anthologique dans Les chemins qui marchent du Nouveau Théâtre expérimental. Pour ce faire, j’utiliserai l’approche d’ethnographie spectrale telle que proposée par Justin Armstrong. Il y développe une méthodologie pour accomplir l’ethnographie d’endroit abandonné à travers ce qu’il nomme des « ghost text », ou le dialogue entre le lieu et ses traces matérielles desquels on peut en dégager son récit. Pour les besoins de la communication, j’examinerai la bibliographie d’Alexis Martin pour Les chemins qui marchent pour y étudier ses liens avec la représentation scénique de l’histoire du fleuve Saint-Laurent pour le Canada français. Ultimement, j’émets l’hypothèse qu’il en ressortira un constat bien simple. La représentation de l’histoire du Canada français par son fleuve vit dans la psyché collective comme le spectre d’un patrimoine laissé à l’abandon.

Bio: Un peu touche-à-tout, j’entame mon incursion dans le monde des arts et de la musique dès l’adolescence pour, ensuite, compléter un D.E.C. en cinéma au cégep Garneau. Lors de mon baccalauréat en théâtre à l’université Laval, je participe à divers projets tels l’élaboration de plusieurs éditions du Festival de Théâtre de l’Université Laval. Diplômé de la maîtrise en théâtre de l’université d’Ottawa, j’y ai écrit ma thèse sur l’apport de la configuration du discours culturel du Québec propre à la Trilogie du Futur par le Théâtre du Futur. Tantôt comédien, cinéaste ou technicien, je continue ma pratique artistique à Québec depuis 2021.

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